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Nos constats
Invités par le thème des Assises de la Fédération
Protestante de France, « surmonter la violence », à réfléchir sur des
situations concrètes de violence, nous avons été amenés à changer notre regard.
Nous avons constaté que, comme tout groupe humain, les Eglises, les Communautés,
les Institutions, les Œuvres et les Mouvements (CIOM) peuvent être traversés par
la violence. Elle tient à des problèmes de communication entre personnes, à
l’usage qu’elles font ou ne font pas des institutions ecclésiales ou
associatives qui, en principe, définissent la place et la responsabilité de
chacun(e). Constatant par ailleurs la grande part de subjectivité dans ce qui
est perçu comme violence, dans les Eglises et les CIOM comme dans la société,
nous sommes rendus attentifs au fait que cette question est liée à la
non-reconnaissance de l’autre : frère/sœur,
collaborateur /collaboratrice… semblables et pourtant différent(e)s. La
violence s’origine dans une mauvaise appréciation de la distance entre soi et
l’autre, particulièrement entre femmes et hommes, entre personnes en position de
pouvoir et celles qui ne le sont pas. La lecture de textes bibliques où la
violence est mise en scène (Gn. 34, 1-35,5 et Actes 5,1-11), nous montre que la
Bible ne fait pas de déclarations sur la violence mais que Dieu ne s’absente pas
de la violence subie par les humains et qu’il y parle. A la lumière de
l’histoire, nous savons que, lorsqu’il est lié au pouvoir d’Etat, le
christianisme peut être facteur de violence. La sécularisation et le contexte de
la laïcité en France dans lequel nous vivons, nous permettent de prendre
conscience de bien des choses que nous ne pouvions pas voir autrefois.
Contrairement à ce qui se passe dans beaucoup de régions du monde, la contrainte
sous toutes ses formes, que nous percevons aujourd’hui comme manifestation de la
violence d’Etat, est moins à craindre que le désengagement de l’Etat de secteurs
entiers de la vie culturelle, sociale et économique, tant au plan national
qu’international. Les violences de masse que furent l’esclavage, la déportation
ou les guerres continues, ont pratiquement disparu dans les sociétés de l’Europe
de l’ouest. Alors qu’aujourd’hui le niveau de violence est relativement faible,
jamais celle-ci n’a été à ce point au centre de nos préoccupations. La peur de
la violence résulte de l’usage immodéré par les médias d’images de violence, qui
jouent sur l’émotion et contribuent à enfermer les victimes dans leur statut.
Nos convictions
Parce qu’elles se savent aussi traversées par la violence, les Eglises et les CIOM sont des lieux où les souffrances qu’engendrent toutes les formes de violence, peuvent être déposées (intercession) et dites (écoute pastorale). Dans les situations difficiles, les Eglises et les CIOM peuvent faire reculer la violence en s’attachant à comprendre la position des personnes concernées et en recherchant les points charnières où s’exerce leur responsabilité éthique et pastorale vis-à-vis des plus faibles de notre société. Ainsi les Eglises et les CIOM peuvent-elles se penser comme des lieux de prévention et de réconciliation, où l’on est en mesure d’affronter la violence. Certaines représentations de Dieu dans la Bible sont violentes ; ces mots pour le dire nous offrent des images pour nommer et penser la violence. Mais à la croix, Dieu lui-même subit la violence en Christ et la désacralise. Christ est devenu notre paix ; en Lui, personne ne peut rester dans le statut de victime, ni être stigmatisé pour son sexe, son appartenance ethnique, sa catégorie sociale... (Ep. 2, 11-22). La paix est un don de Dieu au même titre que la grâce, la foi et le don des Ecritures. L’amour du prochain qui en découle, particulièrement l’amour des ennemis, est un article central de l’Evangile. Nous avons donc un devoir de prophétie et d’espérance suivant lequel la paix donnée doit être annoncée : la violence peut être surmontée. L’Etat démocratique a une fonction élevée dans l’ordre de la justice. Dans la nation, il exerce son pouvoir légitimement, mais les citoyens ont le devoir d’exercer à leur tour une vigilance critique qui rappelle à l’Etat ses limites, rappel qui peut faire l’objet d’une désobéissance civile. D’un point de vue chrétien, nous voulons maintenir ouverte la possibilité d’une « objection pour clause de conscience » ; elle constitue un rappel que l’exercice du culte et la confession publique de la foi, même radicale, sont libres dans notre société. L’Etat, qui exerce « le pouvoir du glaive » dans la nation, voit ce pouvoir toujours limité par une autorité au-dessus de lui (Rm. 13, 1).Nos appels à engagements…
L’apprentissage de l’écoute et du dialogue dans les Eglises, les CIOM, comme dans les institutions éducatives publiques, privées et associatives, est source de progrès mutuels. C’est un apprentissage de l’altérité, de l’unité dans la diversité, du renforcement de l’estime de soi, de l’usage de la parole, qui sont autant d’outils réels pour surmonter la violence.Comme membres d’Eglises et de CIOM,
nous appelons à :
- former des responsables d’Eglises et de CIOM en matière de gestion de conflits, de médiation, de prise de parole, d’animation de groupes…, à donner et recevoir des formations qui initient à la confrontation fraternelle dans l’Eglise (Mt. 18,15-18) ;
- revisiter les traditions particulières de la foi chrétienne et du protestantisme : textes bibliques sur la violence, sur les prophéties etc.; les théologies et éthiques de la guerre juste comme de la non-violence, les mythes fondateurs de notre mémoire (résistance, persécutions, etc.) ;
- apprendre de l’expérience des autres Eglises, particulièrement celles qui sont ou ont été dans des situations de violence (Israël / Palestine, Afrique du Sud…).
Comme représentant(e)s de la Fédération Protestante de France,
nous
appelons à :
- inciter les antennes locales de la FPF à se constituer autour de la lecture des textes bibliques, particulièrement ceux qui traitent de la violence, selon une méthode active ; à les faire lire également dans des CIOM travaillant sur les fractures sociales, et en associant à ce travail de lecture et de recherche biblique les personnes et groupes engagés et compétents en matière de non-violence ;
- soutenir les lieux associatifs concernés par la fracture sociale et économique où l’Etat se désengage, sans se substituer à lui mais pour lui rappeler publiquement ses responsabilités vis-à-vis des personnes migrantes et demandeuses d’asile afin que leurs droits soient respectés,
- soutenir les lieux d’aumônerie, nous souvenant que, prévus par la loi de 1905, ils contribuent à surmonter la violence dans des lieux de rupture sociale (incarcération), personnelle ou familiale (hospitalisation) ou des missions d’intérêt national (conflits armés),
- participer à la mise en oeuvre d’expériences de résolution de conflits en France ou ailleurs, particulièrement là où des religions sont impliquées ,
- développer ce qui facilite ou permet la connaissance des autres religions (formation au dialogue inter-religieux) ;
- susciter des vocations pour des missions de dialogue dans des zones de conflit (Israël/Palestine, etc.) en lien avec le COE, avec d’autres communions mondiales d’Eglises ou d’autres organismes ;
- encourager des jumelages entre Eglises locales françaises avec des communautés ou groupes dans d’autres pays.
Texte rédigé par Jean-François Zorn, coordonnateur du thème des Assise