• ÉDITORIAL : événement et avènement

Montpellier janvier 2002

Cher(e)s ami(e)s,

Pratiquement tous les messages reçus à l’occasion de la nouvelle année ont fait référence aux événements dramatiques survenus le 11 septembre 2001 aux USA. Aussi, en préparant le traditionnel édito de cette lettre annuelle je me sens, moi-aussi, tenu d’y faire référence. Il y a comme une décence à avoir de faire place à cet événement scandaleux, douloureux, inadmissible..., de faire mémoire de tant de souffrances provoquées à des hommes et des femmes innocents et atout un peuple blessé dans son identité. Cela n’a pas empêché, et ne doit pas empêcher, de commenter ces événements et le monde entier ne s’en est pas privé, chaque commentateur réglant son avis sur ce qu’il ressent profondément vis-à-vis de la première puissance mondiale du moment, les États Unis d’Amérique, ou sur l’islam politique. Au moment de ces événements je me trouvais dans un colloque international des Facultés de théologie protestante des pays latins d’Europe élargi aux pays du sud (Afrique, Amérique latine, Moyen-Orient, Pacifique). J’ai vu les uns pleurer, d’autres demeurer interdits et certains rester froids, comme si, finalement ce qui arrivait en quelques heures au peuple américain équivalait, somme toute, à ce que leurs peuples respectifs enduraient depuis bien plus longtemps : des milliers d’innocents morts d’épidémie, de pauvreté, de faim, de guerre. Cette froideur d’analyse, témoignait d’une souffrance réelle que certaines plaisanteries ne parvenaient pas à dissimuler...

Quelle que soit la position adoptée vis-à-vis de ces événements, on reste atterré devant l’état de notre monde où, plus que jamais, le Progrès qu’on a trop cru inexorablement en marche apparaît comme une illusion. Oui, l’humanité peut régresser et les réactions militaires et sécuritaires des USA n’échappent pas à cette spirale. Aussi la formule beaucoup entendue: "après le 11 septembre, plus rien ne sera comme avant !" me paraît problématique. Et si, au contraire, tout était encore plus comme avant, voire pire ? Il faut donc s’interroger sur la portée des événements du 11 Septembre : ce qui s’est passé révèle que la religion est dangereuse quand elle est radicalisée et manipulée. Aujourd’hui, c’est plus particulièrement l’islam, hier ce fut le christianisme. Quant à la super-puissance américaine dès lors qu’elle paraît au service d’intérêts géopolitiques et économiques dominateurs, elle provoque frustrations et violence, il n’y a là rien de neuf, malheureusement. Les événements du 11 septembre nous apprennent donc que l’humanité ne change guère, que les problèmes se déplacent, qu’ils s’aggravent même, étant donnés les moyens sophistiqués de puissance dont disposent les puissants, qu’il s’agisse des armes ou d’Internet.

C’est pourquoi, les événements du 11 septembre, ne préparent pas l’avènement d’un monde nouveau, celui que nous chrétiens entrevoyons dans la pénombre de Noël et confessons dans la lumière de Pâques. Chacune des religions monothéistes en jeu dans les événements brûlants du moment (Proche-Orient, par exemple l) connaissent un avènement analogue dans leur tradition. Pour ce qui est de la tradition chrétienne, elle porte un nom, celui du Christ, dernière parole que le Dieu de la Bible a prononcée en faveur de l’humanité. Mais les effets de cette parole n’ont pas encore été tous ressentis et, devant la faiblesse de son règne, les chrétiens ont à repenser constamment le contenu même de ce qu’ils ont à dire et à faire face aux événements du monde pour que leur message soit effectivement porteur de l’avènement d’un monde nouveau : Quelle belle tâche pour la missiologie I

JFZ